Timbres-Durées

De passage au Studio d’essai, Olivier Messiaen sollicite la collaboration de Pierre Henry pour la réalisation d’une étude de musique concrète. Fondée sur une partition réalisée en amont par Messiaen, cette œuvre fait coexister des sons de percussions (cymbale, wood-block, caisse claire frottée, etc.) avec des sons de jets d’eau.

« Quand le magnétophone est arrivé, Messiaen a eu envie de réaliser cette œuvre, Timbres-Durées. Cela s'est passé de façon un peu ambiguë ; il voulait une chose, pour une fois, pratiquement sérielle, conçue son par son, avec une partition, alors que moi, je souhaitais qu'il entre vraiment dans le jeu de la musique concrète, qu'il tente des développements nouveaux. Il m'avait donc préparé une partition comprenant, par exemple, le tirage d'un son de tambour à cordes, d'une goutte d'eau, d'un son d'enclume, etc., avec des durées. Et j'ai réalisé les sons, mais dans un esprit peu inventif. Il s'agissait de sons qui, dans la description faite par Messiaen, étaient des sons pauvres. Après, je les ai montés, en suivant la partition. C'était intéressant, mais je ne pense pas que cela ait été une réussite. Je crois qu'il aurait fallu d'autres sons, et une plus grande liberté. Le créneau qu'il m'a donné était un peu étroit, un peu sec. Mais nous avons fait ensuite de cette œuvre une version spatialisée, à trois dimensions. Nous avions alors un magnétophone synchrone à trois bandes — un prototype, on n'en a pas fait d'autres depuis — et nous avons donc réalisé une nouvelle version de Timbres-Durées. »
Pierre Henry, cité dans Jean Boivin, La Classe de Messiaen, 1995, p. 117-118.

Première oeuvre à découpage spatial, réalisée par Pierre Henry. Trois voies lues depuis le studio sur le magnétophone tripiste et retransmises par lignes téléphoniques sur trois canaux (G-M-D) dans la salle.
"C'était une diffusion très spatiale et très dentelée. Chaque son était monté sur des voies différentes et on avait un jeu de réponses et de dialogues sur quatre voies : trois voies statiques et une voie "cinématique" qui bougeait - ce qui était exceptionnel pour l'époque. Cette oeuvre monophonique passait donc de tous les côtés de façon très découpée et très rigoureuse, puisque la bande était lue par un appareil multibandes synchrone"
Pierre Henry, Cahier Recherche/Musique 5 : « Le concert : Pourquoi ? Comment ? » (1977), Paris, Ina-GRM, p. 103.