[Texte de Pierre Schaeffer à Pierre Henry au sujet de Symphonie pour un homme seul]
Date
1972
Collection
Item Relations
This Item Annote
Symphonie pour un homme seul, 1ère version
To cite this document
Schaeffer, Pierre, 1910-1995, “[Texte de Pierre Schaeffer à Pierre Henry au sujet de Symphonie pour un homme seul],” Pierre Henry, accessed September 19, 2024, https://pierre-henry.org/items/show/1752.
Creator
Schaeffer, Pierre, 1910-1995
Description
« Il y a des titres qui ne pardonnent pas. Trouvés sous un prétexte futile, par dissimulation d’auteur, ils ne cesseront plus, la vie durant, de lui jeter sa vérité à la figure.
L’auteur, alors, pour tromper l’ennemi, fuir sa vengeance, se dédouble. L’un s’enferme, se concentre, en rajoute. L’autre s’enfuit, se disperse, donne le change. Le jeu, pourtant, en valait la chandelle, dans le disparate des règles, dans la confusion des valeurs : donne-moi ton piano, je te prêterai mes haut-parleurs. A la douane des conventions pourtant tenaces il y a vingt-cinq ans, s’étaient rencontrés deux complices, pour le troc des savoirs dérisoires, des traditions trahies : Messiaen contre Marconi, Danhauser contre Flechter, la Musique contre l’Acoustique. Le tout échangé à la dérobade, dans un remords mal défini, peu partagé : pour l’un l’effroi, pour l’autre, la revanche. Pour tous deux, l’aveu secret de l’irréparable.
Que d’autres se gobergent : suiveurs en mal de computeurs, faux prédécesseurs, en panne de série. Que ceux-là bidulent les tristes festivals de leur admiration mutuelle. La même solitude, parfois innombrable, hante l’éternel refrain de notre amour-haine, de notre fatale passion de poursuivre diversement, mêmement, l’aventure incertaine que domine l’immense sottise contemporaine. Nous l’aperçûmes ensemble, et pour la première fois, dans l’inquiétant miroir du tourne-disque, où se recomposaient déjà ses déchets, malheureusement indestructibles. Nous pûmes lire notre destin dans la moire du disque vierge, comme d’autres dans le marc de café. »
Pierre Schaeffer à Pierre Henry
L’auteur, alors, pour tromper l’ennemi, fuir sa vengeance, se dédouble. L’un s’enferme, se concentre, en rajoute. L’autre s’enfuit, se disperse, donne le change. Le jeu, pourtant, en valait la chandelle, dans le disparate des règles, dans la confusion des valeurs : donne-moi ton piano, je te prêterai mes haut-parleurs. A la douane des conventions pourtant tenaces il y a vingt-cinq ans, s’étaient rencontrés deux complices, pour le troc des savoirs dérisoires, des traditions trahies : Messiaen contre Marconi, Danhauser contre Flechter, la Musique contre l’Acoustique. Le tout échangé à la dérobade, dans un remords mal défini, peu partagé : pour l’un l’effroi, pour l’autre, la revanche. Pour tous deux, l’aveu secret de l’irréparable.
Que d’autres se gobergent : suiveurs en mal de computeurs, faux prédécesseurs, en panne de série. Que ceux-là bidulent les tristes festivals de leur admiration mutuelle. La même solitude, parfois innombrable, hante l’éternel refrain de notre amour-haine, de notre fatale passion de poursuivre diversement, mêmement, l’aventure incertaine que domine l’immense sottise contemporaine. Nous l’aperçûmes ensemble, et pour la première fois, dans l’inquiétant miroir du tourne-disque, où se recomposaient déjà ses déchets, malheureusement indestructibles. Nous pûmes lire notre destin dans la moire du disque vierge, comme d’autres dans le marc de café. »
Pierre Schaeffer à Pierre Henry
Date Created
1972-06-10
Sources
Identifier
https://pierre-henry.org/admin/items/show/id/1752
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